Zeineb

Il y a plus de 13 ans, j'écrivais sous le pseudonyme Zeineb. Je le faisais de manière modeste, principalement dans des forums de discussions et aussi sur e-jarida. Je dénonçais alors les manipulations de Abdelwahab Abdallah et de ces élèves (qui avaient alors appris à manier le copier-coller pour leurs sombres besognes). Ces nouveaux policiers du net avaient pour fonction de saturer les forums par leurs rhétoriques. Ils vidaient les mots de leurs sens et je m'amusais (avec d'autres) de restaurer le verbe et l'analyse, par de simples copier-coller rectificatifs. Ci-dessous un de mes derniers posts en tant que Zeineb :  


Une "Intellectuelle" et sa peur par Zeineb (Avril 2000)


Avant de faire le bonheur de la bourse, Internet est d'abord un vrai espace de liberté et c'est le lieu rêvé pour les intellectuels tunisiens d'exposer sans contraintes leurs idées. 

C'est avec beaucoup d'émotion que j'ai relu le témoignage du journaliste Taoufik ben Brik. Il est, comme tant d'autres résistants au regime tunisien, MARGINALISE. Ca faisait pourtant très longtemps que j'avais envie d'envoyer un mail ou un fax en particulier à Radhia Nasraoui pour lui temoigner mon soutien. Mais, c'est la peur devenue ancrée en moi qui m'a empêchée de le faire. Une peur d'être identifiée, une peur pour ma famille et mes amis.

Je ne suis pourtant qu'une simple citoyenne qui par la force de la repression ne peux plus donner un avis critique. C'est triste que pour un acte aussi banal qu'envoyer un message à un forum comme celui-ci, je me sente obligée de changer mon prénom et d'essayer de masquer mon adresse et mon numéro IP. Je ne suis probablement pas la seule en Tunisie à vouloir une réelle liberté d'expression, de la transparence dans les affaires de l'Etat et bien sûr une justice pour tous.
C'est souvent la même question qui revient dans les dialogues (ou esprit des messages) entre les internautes tunisiens et c'est un problème représentatif dans la population tunisienne : le(la) tunisien(ne) moyen(ne) se pose une question essentielle (tabou et pas du tout caprice) sur lui(elle-même : dois-je être reconnaissant(e) a Zine Ben Ali comme le sont devenu les tunisiens pour Habib Bourguiba ?

Ma réponse à cette question est NON : Bourguiba a libéré la femme, il a généralisé l'éducation à toute la population et a démocratisé la santé. Mais, Bourguiba est resté 20 ans de trop à la tête de la Tunisie, ce qui a crée un régime dictatorial et policier que percute Ben Ali. Il n'y a, d'après moi, aucun changement significatif de la politique en Tunisie (à part peut-etre le pacte national signé entre les differentes forces politiques du pays entre 1987-1989).

ZBA est la continuité de Bourguiba et le problème vient de là puisque le régime ne peut qu'empirer. D'ailleurs, l'excellent rapport du CNLT le souligne parfaitement. Il retrace la vie de pas mal de tunisiens depuis 1991 et nous pouvons même lire les noms des tortionnaires et des magistrats complices. N'est-ce pas extraordinaire de mettre à la disposition du "peuple" (grâce à un travail extrêmement sérieux et courageux) ce type d'informations.

J'aimerais enfin remercier tous les resistants pour leurs messages. Ca m'a permis d'avoir une idée sur ce qui se passait réellement à Tunis, mais aussi de me rassurer sur  leur état. Je n'ai jamais vu Sihem Ben Sedrine (ni Omar Mestiri), mais je les considère désormais comme faisant partie de la famille. Leur combat est difficile, mais beaucoup de tunisiens (et moi en premier) les envient. Ils ont la rage de dire non (peut-etre par la force des choses, mais quel courage !! ).

J'hésite encore à poster ce message sur le forum. La peur va me ronger pour encore pas mal de temps. A chaque fois que je verrais un policier, je regretterais cette lettre. Alors pourquoi le faire ? Peut-être pour témoigner justement de cette peur.  Priez pour que rien ne m'arrive.

PS- Je n'ai pas menti sur mon sexe, ce qui prouve que je ne suis pas si peureuse que ca.